HERETIQUES de Leonardo PADURA aux Editions Métailié
Il y a deux ou trois ans, j’avais
été emballée par cet auteur, mais surtout par par son très beau livre « L’homme
qui aimait les chiens ». L’auteur s’y était pour ainsi dire mis dans la
tête de Ramon Mercader, le tristement célèbre assassin de Trotsky. Je me
souviens encore de mon enthousiasme vis-à-vis du style de cet auteur, de cette
façon inimitable d’amener le lecteur à revisiter l’Histoire avec un grand H à
travers les histoires d’hommes et de femmes qui l’ont faite. Des histoires à la
fois banales et uniques. On pouvait parler de roman historique. Soit dit en
passant, je ne fus pas la seule à tomber sous le charme. « L’homme qui
aimait les chiens » a reçu pas mal de récompenses dont celle du magazine
Lire pour le meilleur roman historique. Après les hispano-américains, c’est à
présent toute l’Europe qui découvre ce nouvel Hemingway et ce, grâce aux
Editions Métailié. Mais chut, j’arrête là les comparaisons car, bien qu’admirant
l’écrivain, Padura a quelques réserves au sujet de l’homme ( réserves qui
transparaissent aisément dans un de ses romans « Adios Hemingway »
paru en 2006.
Mais
passons maintenant à ce nouveau titre « Hérétiques » ; là
encore, on peut qualifier le livre de roman policier historique ; ou
devrais-je dire romans au pluriel car il
y a trois romans dans un. En effet, « Hérétiques » ( plus de 600
pages quand même !..) est composé de trois livres un peu à la façon de la
Bible : Le Livre de Daniel qui retrace dans un savant aller-retour entre
les années 40-50 et aujourd’hui, les vies des Kaminski : ces juifs arrivés
à la Havane peu de temps avant l’extermination programmée par les nazis ;
puis suit le Livre d’Elias qui nous transporte celui-ci dans les Pays-Bas du 17ème
siècle à Amsterdam plus précisément, où Padura nous fait partager le quotidien
de la communauté juive qui y a trouvé refuge après avoir été chassée du Portugal ;
et enfin le Livre de Judith : là, retour à Cuba, en 2008, où on suit l’enquête
visant à élucider le mystère de la disparition de Judith donc, jeune fille punk
de 18 ans grande lectrice de Nietzsche et Kundera.
Mais qui
dit polar, dit enquêteur. Et là, je m'aperçois que j'ai oublié de vous parler
de Mario Conde , personnage principal de ce roman et de bien d'autres puisque,
bien que n'apparaissant pas dans le dernier titre cité juste avant, il faut
dire que cet ex-flic à présent mi-détective, mi-brocanteur ( spécialité :
les livres anciens), traverse l'oeuvre de Padura depuis maintenant presque 15
ans. Un flic comme on les aime: une intelligence intuitive, une érudition
bluffante, pas vraiment beau mais beaucoup de charisme ; tout ça enfoui
sous une mélancolie, un mal-être dont même les femmes ont du mal en l'en
sortir. A sa décharge, il faut dire qu'il n'est pas difficile d'être désabusé
et fataliste dans le Cuba du 21ème siècle ; et à fortiori pour un ex-flic.Attendant
seulement des jours à venir qu'ils chassent les autres, Conde ne doit sa survie
qu'au mauvais rhum que lui permettent d'acheter les quelques pesos convertibles
que lui rapportent la vente de livres anciens ; au rhum mais aussi à Flaco
Carlo, le Conejo, Candito, ses compagnons de toujours .On n'est riche que de
ses amis, c'est bien connu. Bref, un personnage très attachant. Et quelle sera
sa mission dans cette histoire, me direz-vous ?Rien de moins que de
retrouver comment un inestimable Rembrandt, propriété de la famille Kaminski
depuis plus de trois cents ans, a pu quitter l'île et se retrouver dans une
vente aux enchères à Londres dans les années 2010.Et dans un deuxième temps (
et ça, c'est le sujet de la 3ème partie du roman), il est chargé de retrouver
la trace de la jeune Judith (amie, précisément d'une Kaminski là encore),
disparue depuis plusieurs jours.
Comme ça,
à première vue, on a du mal à relier les deux affaires (si ce n'est la présence
des membres de cette famille juive) ; et puis surtout, pourquoi ce titre
« Hérétiques » ? J'ai juste envie de dire, pour ne pas trop
déflorer le sujet qu'a voulu traiter Padura ici, qu'il est question de libre
arbitre, de liberté des consciences et de tous ceux qui ont eu ou qui ont le
courage de se détourner du dogme (et ce, dans n'importe quel domaine, pas
seulement celui de la religion). Que ce courage les mène vers la liberté ou
vers l'enfer, nous devons à tous ceux-là beaucoup de gratitude. Alors merci à
vous M. Padura de nous inviter dans leur humble existence.
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